844 - Première mention de SALEILLES et de sa chapelle

Au IXe siècle, une partie de Saleilles fut dépendance de Saint Polycarpe, abbaye de Bénédictins près de Limoux. C'est en 844, avant Perpignan (le 20 mai 927) et Cabestany (922) qu'apparaît pour la première fois le nom de Salellas, dans un diplôme de Charles le Chauve pour l'abbaye de Saint Polycarpe : "villare.....in pages Helenensis sunt nomina Palatiolus et Salellas". Le nom Salellas est inscrit dans une charte du roi Carloman le 28 mai 881 et en juin 889 dans une charte du roi Eudes dont les références sont portées sur la liste des mentions de saleilles. On retrouve des mentions dans deux autres chartes aux archives de Saint Polycarpe.

Selon ces diplômes de Charles le Chauve (844), de Carloman (881) et du roi Eudes (889), la villa de Salellas, en comté du Roussillon, dépendait, en même temps d'un palatiolum, probablement Palasol, du territoire de San Llorenç de la Salanca, et du monastère de Saint Polycarpe en Razès. Saint Polycarpe est une ancienne Abbaye bénédictine, à 4 km au sud-est de Limoux, sous la dépendance au XIe de l'Abbaye de Lagrasse. Elle fut un centre important du jansénisme. Elle possédait une partie des terres de Saleilles sûrement à la suite d'héritages ou ventes entre ecclésiastiques. Nous retrouvons, dans une charte du 14 juin 899 de Charles le Simple, en faveur de son vassal Étienne, le nom de Salellas. Étienne n'est autre que le premier seigneur du Vernet, Stéphanus, d'origine goth, la plus riche seigneurie du Roussillon à cette époque. Il agrandit son patrimoine par Théza et ses annexes : Anglars et Salellas qui comprenait quelques terres et non le village en entier. Mais dix ans plus tard, Charles le simple confirmait la possession de "la villa de Teza, avec ses vilars d'Anglars et de Salelles" à son fidèle Estève et son épouse Anna. Leur fils et héritier, Aton, vendit le 13 des calendes de juillet (19 juin) 927 les deux alleux d'Anglars et de Salelles en entier, y compris l'étang qui en dépendait, avec les églises St Jean et St Étienne, à l'évêque d'Elne Guadall, frère de Gausbert, comte du Roussillon. Dans un second document, postérieur au premier de quatre mois, il précise qu'il vend sa moitié mais s'en réserve l'usufruit, alors que l'autre moitié appartient à sa soeur Arsinda. Les deux documents expliquent que la vente se fait personnellement à l'évêque Guadall et non à l'église d'Elne. Donation du "Rio Arido" (le Réart) à l'évêché par l'archiprêtre Amarius en 963 (Fossa, 2, 79).

De nombreux villages, au gré du temps, autour de Cabestany et Château-Roussillon, disparurent totalement (les villages du moyen age ). Les matériaux liants utilisés étaient en partie biodégradables et les pierres sont réemployées pour d'autres constructions. Les fondations faites essentiellement de pierres non liées et peu profondes sont enlevées pour être récupérées et laisser la place aux cultures. Ainsi disparurent des villages comme Anglars près de Saleilles et Bajoles entre Cabestany et Perpignan (près du Clos Banet). Le site de Villarnau qui avait été deserté brutalement à la fin du Moyen Age, sur la route de Canet, près du mas Miraflors, avec son église Saint Christophe et son château, vient d'être mis à jour en 1998. Le lieu d'Anglars et son église Saint Jean, est souvent lié à Saleilles. Sa situation exacte serait à rechercher probablement au nord-ouest de notre commune : aucune trace reconnue également de son église St Jean, pourquoi pas sous les maisons du mas de la Fosseille ?. Sur les documents à partir du moment où se succèdent les guerres, Saleilles est un lieu pauvre et écarté comme Anglars. Saint Martin de Boaca près de Théza dont le château a été démoli dans les années 1970 lors de la construction du village de vacances, ne figure plus sur les cartes. De même disparurent la localité d'Avalri entre Montescot et Villeneuve de la Raho ainsi que Saint Génis de Tanyères, entre Bompas et le Vernet, à 300 m du pont de la Têt au nord de Perpignan où en 1230, nous trouvons une convention au sujet des foires de Tanyères. Au cours des décennies, les paysans et bergers, nouveaux arrivants, préfèrent s'installer près de la "salellas", autour du noyau existant et le village commença à s'étendre à son emplacement actuel.

L'église Saint Etienne est mentionnée en 927 (927, Fossa, Cartulaire de l'Église d'Elne n° 30). La date de 1024 a été avancée par certains pour la construction de la chapelle actuelle. La chapelle existant en 927, nous pouvons donc supposer qu'à la suite de la grande invasion sarrasine de 1017, la chapelle de Saleilles a été détruite partiellement ou en totalité, comme l'ont été les églises de Château Roussillon, Saint Jean le Vieux à Perpignan, et bien d'autres. 1024 serait donc sa date de reconstruction ou réparation, période à laquelle beaucoup d'églises furent remises en état par les maçons catalans, et dans les villages pauvres par les paysans eux-mêmes.

Le 4 des ides de décembre 1058, l'évêque d'Elne Bérenger IV, un des successeur de l'évêque Guadall, restitue au chapitre Sainte Eulalie (évêché d'Elne) l'église du village de Saleilles avec toutes ses dépendances et ceci, en compensation de la démolition de la vieille église d'Arles sur Tech sous les pressions du vicomte de Castelnou et les comtes de Cerdagne et de Besilu. Le faux titre que porte ce document dans la Marca Hispanica a fait croire pendant longtemps qu'il s'agissait d'une nouvelle consécration d'église, alors que dans le texte de l'acte on lit que c'est une donation et une restitution. Au XIe siècle, une part de Saleilles fut transmise au lignage seigneurial des Salses peut être par Arsinda, soeur d'Aton ou par quelques héritiers d'Estéve et d'Anna. Par un testament sacramental, Arnau Guillem de Salses lègue à l'évêché d'Elne "tout ce qu'il possédait à la ville de Saleilles, excepté le fief que tenait pour lui Ramon Rigall". En 1071, il existe une transaction entre l'évêque d'Elne qui cède au vicomte de Castelnou, l'église et terres de Saleilles. Celles-ci sont restituées bénévolement à son chapitre en 1139 par Udalgar de Castelnou, évêque, pour l’unir à la mense épiscopale d’Elne dont Saleilles fera presque totalement partie.

Les invasions sarrasines ou normandes auxquelles s'ajoutent les querelles de famille, les guerres de château à château, les pillages des abbayes et des églises, la misère générale, amenèrent les gens des campagnes à se grouper. Ils s'habituèrent à vivre derrière des murailles. C'est à ce moment que les anciens paysans, restés sur les propriétés, vinrent se joindre aux autres près de la "salellas". Lors d'un recensement d'actes par un ecclésiastique effectué dans les archives d'Elne, il a été trouvé un texte qui indique que la seigneurie de Saleilles a appartenu aux évêques d'Elne depuis que l'évêque Bérenger l'a donné à l'église, en 1058, lorsqu'il consacra la cathédrale d'Elne qui subsiste encore de nos jours. Cet ecclésiastique dit "qu'il ne pouvait la donner s'il la possédait en qualité d'évêque, mais que si elle lui appartenait en propre". Il est à noter que c'est la première fois que nous trouvons la mention de seigneurie de Saleilles.

La région étant perpétuellement la proie les combats entre seigneurs. Oliba, abbé de Cuxa qui deviendra archiprêtre d'Elne, réuni les paysans lors du Concile de Toulouges "Paix et Trêve de Dieu" le 16 mai 1027. Ceci se traduisit par l'arrêt des combats le dimanche et l'interdiction de toute violence à 30 pas autour des églises et des cimetières attenant au risque d'être excommunié. Peu à peu la paix s'installe à Saleilles grâce à l'arrêt des querelles de voisinage. Malheureusement ces lois n'avaient aucun effet sur les arabes et en 1135 l'évêque d'Elne Udalgar dénonce les ravages de la piraterie sarrasine dans notre région. Les habitants de Saleilles excédés demandent à construire une fortification qui engloberait leur église avec son cimetière contigu et peut-être quelques maisons. Il n'englobe pas le cimetière primitif car la longueur du mur aurait été trop importante, mais surtout le mur aurait été au bas de la butte, ce qui n'est pas trés bon pour la protection. Les villages, même sous l'obédience de seigneurs ecclésiastiques, étaient sous la dépendance du Roi pour les questions de défense, et se devaient de demander une autorisation. C'est à partir de 1172 que le Roussillon, intégré dans la monarchie aragonaise, commence à se fortifier. La frontière est au Pas de Salses. Alphonse II et son successeur, son fils Pierre II, donnèrent toutes les autorisations nécessaires. C'est vers 1200, que les seigneurs du Vernet, propriétaire de quelques terres à Saleilles depuis le IXe siècle, en obtiennent. Saleilles a dû être fortifié à cette époque ; une muraille , faite de galets de rivière avec une disposition en "opus spécatum" (en arête de poisson) coupé de lits de briques de type "caïroux", clôturait la chapelle. Elle était percée de meurtrières réalisées en briques dont trois subsistent. La faible puissance de cette défense montre qu'elle n'a pas un but militaire, mais elle est surtout une protection. Ce mur du début du XIIIe siècle, repose sur une partie basse plus ancienne. Il semblerait que cette dernière ne soit pas les fondations de la construction, mais une élévation pour mettre à niveau un espace réservé à l'inhumation, concrétisant ainsi la notion du sacramental. Le mur de protection continuait aussi bien vers l'est que vers l'ouest ; une partie de sa base est encore visible dans les maisons avoisinantes.


Une fouille archéologique (coupe stratigrafique du sondage ) a été effectuée au pied du mur de défense, côté intérieur, afin d'essayer d'établir une chronologie des constructions (chronologie de la chapelle ) et aussi de vérifier l'histoire autour de la bâtisse. Nous pouvons en faire un résumé malgré quelques résultats encore manquants : la chapelle qui existait en 927 sous les Carolingiens a été construite sur un promontoire. Aux alentours de l'an 1000 l'église fut en partie détruite par les invasions sarrasines et 1024 est sa date de restauration. La terre du côté nord était en pente et utilisé comme cimetière. Les défunts exhumés date du X au XIIe siècle d'après les quelques fragments de céramique médiévale qui ont été mis au jour. Les morts étaient déposés au fond d'un trou creusé dans l'argile, enveloppés dans un linceul, sans cercueil ni ornementation ni bijou car les gens du lieu étaient très pauvres. Ils étaient ensuite recouverts d'une couche de sable du Réart avant que l'on remette la terre de l'excavation. Puis une assise fut construite pour mettre plus horizontal le terrain autour de la chapelle. Certains squelettes ont été déplacés afin que ce socle porte bien sur la couche de terre la plus compacte. Le mur de protection fut ensuite érigé sur les bases existantes du cimetière. Des documents aux archives départementales indiqueraient sa présence en 1322 et le XIVe siècle est avancé par les universitaires, ce qui semble correspondre. L'espace entre la chapelle et le mur fut remblayé et aplani, et un second cimetière se mit en place par dessus le premier, plus petit en surface, parce que limité par le mur de défense. A la fin du siècle dernier lorsque la municipalité de l'époque décida de déplacer le cimetière à l'extérieur du village à cause des épidémies, seuls les morts du dernier niveau furent transportés, les sépultures les plus anciennes restant sur le site et même sous les constructions voisines, où l’on a exhumé des ossements en creusant dans les jardins. Dans cet espace protégé, la présence de fragments de céramique commune à cuisson réductrice d'époque médiévale, laisse supposer aux abords immédiats de l'église, soit l'existence possible d'un habitat médiéval, soit l'inhumations accompagnées de céramiques votives. La dispersion et l'état avancé de fragmentation des céramiques laisse penser que les niveaux ont été fortement remanié par des inhumations successives.

Une grande partie de ce mur de défense était en place jusqu’en 1860 comme nous le verrons dans le chapitre concernant la chapelle et que nous pouvons en voir une partie sur la carte de 1834. Un morceau de quelques mètres subsiste encore aujourd’hui. L'église, centre religieux du village, s'est souvent combinée avec l'architecture militaire. En ce temps là, on donnera souvent le nom de casteil à ces ensembles. Dans la plupart des cas, c'est la salle avec son mur de défense qui a porté le nom de casteil, telle cette archive de 1322, ou le traducteur parle de "Château de Saleilles" à la place d'enceinte de défense. Nous pouvons dire qu'il n'y a jamais eu de château à Saleilles. Des archives disent que de 1361 (début de la guerre de cent ans) à 1364, sans cesse troublés par des hommes en armes appelés les "Routiers" (troupes du roi d'Angleterre licenciées), les paysans se protégeaient derrière leurs remparts. De même Pons du Vernet, propriétaire à Saleilles, ne put cultiver ses terres que par intermittence et les récoltes furent régulièrement dévastées. La défense est au bon gré des communes. Les guerres reprirent en 1376 entre le roi d'Aragon et le comte d'Ampurias. En 1390, c'est Bernard d'Armagnac qui ravage le pays, avant le retour des Routiers qui dévastent le territoire vers 1498. Entre temps les Français reviennent en Roussillon vers 1463 avec Louis XI qui s’installe avec 50 000 hommes entre Perpignan, Canet et Elne, ils ravagent toute la contrée. Saleilles qui héberge une partie de cette armée, n’y échappe pas. Louis XI qui lutte contre le roi d'Aragon vient faire le siége de Perpignan qui tombera le 9 septembre 1463. Dix ans plus tard, Louis XI revient en Roussillon refaire le siége de Perpignan. Le siége fut très dur et pendant longtemps on surnommera les perpignanais de "mangeur de rats". La ville sera prise le 10 mars 1474 et Elne le 5 décembre 1475. Inutile de préciser la vie des gens de Saleilles durant toutes ces années, au milieu des troupes ennemies. Au Traité de Barcelone en 1493, SAleilles redevient espagnol. En 1503, Louis XII arrive avec son armée de 20 000 hommes, et établit le siège de Perpignan qui durera neuf semaines. La ville ne tombera pas mais Saleilles et la plaine furent ravagés. Henri II nous fera encore la guerre durant l'année 1543, Saleilles dut voir sûrement de grands mouvements de troupes. Un écrit du 18 juin 1565 indique que Elne et les villages environnants sont exposés aux incursions des Turcs, des brigands et des français et que seuls la trentaine de villages ayant un mur de protection peuvent résister. En 1639 c'est Louis XIII qui fait le siége de Perpignan de juin 1640 à septembre 1642, ce sera le plus terrible. La paix n'arrivera qu'avec le Traité des Pyrénées le 7 novembre 1659.

En résumé, la proximité de Perpignan et d'Elne fait que Saleilles subira jusqu'au traité des Pyrénées, toutes les guerres.





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