Avant que Saleilles ne soit

Nous passerons rapidement sur les différents bouleversements géologiques pour nous retrouver il y a un million d'années. La mer, après sa montée, descend et se stabilise. Le dernier rivage marqué, comme le montre la carte , est à Villeneuve de la Raho et Bages. Corneilla, Elne et Saint Cyprien sont des îles. Alénya et Théza sont submergées et Saleilles, une pointe s'enfonçant dans les eaux.
Au cours des millénaires, la mer recule peu à peu, laissant place à des étangs et des marécages en bordure de la mer actuelle et la surface terrestre prend la forme que nous connaissons aujourd'hui (carte de situation ). La région a assurément vu des hordes primitives parcourir le pays et s'y installer. Le littoral ne possédant pas de grottes, aucun témoignage de notre civilisation préhistorique n'a pu être conservé hormis un objet qui, de tout temps, a frappé l'imagination des populations : c'est la hache polie.

Sous l'appellation de "pierre de foudre", on lui a attribué des vertus magiques ; c'est pourquoi les bergers l'ont ramassée et les fermiers l'ont scellée sous la poutre maîtresse de leur habitation. Les "premiers curieux des choses anciennes" les ont collectionnées sous le nom de céraunies. C'est par excellence l'objet qui frappe l'oeil par sa forme, son lissage, son tranchant. Il est pour le promeneur, le signe évident d'une trace de l'homme préhistorique.

A ce jour et à notre connaissance, trois haches polies ont été ramassées sur le territoire de Saleilles (les haches polies trouvées à saleilles ) dont Henri Baills nous en fait la description :

1- Hache polie de grande taille découverte en 1948, à 400 m du Réart, près du mas Couret, dans la parcelle B 222 du plan cadastral. Cette hache est en schiste dur, à grain fin et à patine blanche. On trouve, dans les dolmens, des palettes en schiste de même nature. Normalement cette roche est verdâtre, mais elle prend souvent avec le temps une couleur laiteuse. Cette jolie hache, parfaitement polie, est très plate. Ses deux bords sont légèrement courbes, ainsi que son tranchant, très affilé. Vu de face, ce dernier est non rectiligne, mais quelque peu sinueux. Il est intact, malgré sa fragilité. Le talon, également courbe, est légèrement détérioré. L'une des faces est plus plate que l'autre. Dimensions : 12,7 cm de long, 5,5 cm de large, 19 mm d'épaisseur. Il est à remarquer que l'ancienne route royale de Perpignan à Port-vendres passe à une vingtaine de mètres du lieu d'où provient cette hache polie. Une enclume néolithique a été trouvée à une dizaine de mètres du lit du Réart, rive droite dans la commune de Villeneuve de la Raho, à 25 m en aval du pont du Réart et de la route nationale 114 qui va de Perpignan à Port-vendres soit à moins d'une centaine de mètres de la hache polie du mas Couret.

2- Hache polie de petite taille découverte par Maurice Bataille sur les lieux même de l'occupation romaine, lors d'un défonçage du terrain au début du XXe siècle. Réalisée en roche noire, la photographie que nous avons observée n'a pas permis de déterminer s'il agit d'une hache véritable ou d'une herminette. Sa présence sur le site romain pose une double question qui demeure sans réponse : Y a-t-il eu une occupation préhistorique avant celle romaine ? ou bien les occupants de la villa romaine auraient-ils ramassé cette hache, attirés qu'ils étaient par cette forme curieuse ?

3- Hache polie découverte fortuitement, après un labourage, en 1985, par notre concitoyen Frédéric Congost sur la parcelle 1123 des Crouettes. Il s'agit d'un outil en roche dure verte d'origine non locale, qui présente un bon travail de finition au niveau du polissage. Sa forme générale laisse penser à une utilisation transversale du tranchant. On peut raisonnablement penser qu'il s'agit d'une herminette. Une prospection sur ce site a mis en évidence des tessons de poteries en très petits fragments, du même âge que l'herminette. Est-ce le lieu d'une cabane de l'époque néolithique ? nous ne le saurons jamais car ce terrain a été urbanisé en 1990.

Ces vestiges sont incontestablement la preuve du travail des premiers agriculteurs de notre région. Leur forme et les traces de leur utilisation permettent de penser qu'ils sont adaptés au travail de bêchage de la terre. La vulgarisation du bronze, puis du fer, remplaça définitivement la hache polie par des outils qui sont ceux que nous connaissons aujourd'hui. Les trois herminettes trouvées à Saleilles (position des haches polies ) qui ont dû être fabriquées entre 5 000 et 2 000 ans avant Jésus Christ, ont donc entre 4 000 et 7 000 ans d'âge. On ne peut aller plus loin dans cette précision, mais elles demeurent la preuve matérielle, seuls témoins de ces premiers agriculteurs qui ont commencé à remuer, dans quelques clairières, le sol de notre terroir de Saleilles à l'aide de ces simples cailloux.

A l'organisation purement familiale des débuts se superposa ensuite celle des clans et des tribus, dont le résultat fut d'élargir le cercle des individus issus d'une même souche et de leur donner la cohésion, sans laquelle il aurait été vain pour eux d'espérer défendre leur existence. Composé de clans, tribus ou groupes, notre peuple est solidement enraciné depuis des générations dans ces marécages où la pêche et la chasse les font vivre. Après un nombre de générations que l'on ne peut définir, la vie agricole commença. En modifiant l'existence des tribus et en les retenant au sol dans l'attente des récoltes, elle eut également son effet sur les conditions de leur sécurité.

L'homme n'avait eu jusque là à craindre l'homme qu'isolément. Les landes et les bois n'avaient pas excité spécialement les convoitises. Il n'en fut plus ainsi lorsque des parties du sol furent défrichées et qu'elles portèrent des récoltes. Celles-ci furent un appât pour les bandes en quête de butin. On a placé l'âge d'or à la naissance de l'agriculture. Cependant, lorsque l'homme, ayant appris à faire porter à la terre ses fruits, confia au sol les graines des futures moissons, il sema en même temps des germes de lutte, de guerre et de mort. Les régions à climat tempéré, plus que les autres, virent s'abattre sur elles des hordes en quête de pillage. Ce coin des Pyrénées devint tantôt un lieu de passage pour les peuples poussés vers l'Espagne, tantôt un lieu de fixation pour les groupes nordiques cherchant à s'établir sur les bords de la Méditerranée, où la nature est plus généreuse.

Comment se sont produits les premiers mouvements de population ? Nous entrons ici dans une histoire édifiée sur quelques faits certains et sur beaucoup d'hypothèses. Un peuple venu de l'est en suivant les rives de la Méditerranée, les Ligures, paraît s'être implanté dans le pays après en avoir chassé ou soumis les habitants primitifs. Ces envahisseurs, une fois établis, eurent à leur tour à subir le joug de peuplades plus nombreuses, les Ibères, venus cette fois du sud des Pyrénées, plus avancés dans le langage et les mœurs. Ils subiront au Xe siècle avant Jésus Christ, l'influence éphémère et fabuleuse des Phéniciens, et au VIIe avant J.C. auront des relations commerciales avec les grecs massaliotes.

Les Sordes arrivèrent au VIe siècle avant J.C., et s'implantent sur le littoral, entre Salses et les Pyrénées, qui prend le nom de "rivage des Sordons". Ils vivent eux aussi de pêche et de chasse, très peu d'agriculture. Ce fut le premier peuple du Roussillon. Les races, à cette époque, étaient confondues et leurs intérêts politiques variaient incessamment. S'implantent ensuite les Celtes ou Gaulois, trois cents ans avant J.C. mas très peu dépassèrent Ru
scino (château Roussillon) et Saleilles n'aura jamais subi la civilisation gauloise comme nous l'apprenons dans nos écoles. Illiberis est toujours aux mains des Ibères d'après les annales du passage d'Hannibal en 218 avant J.C.. La civilisation Ibère qui est caractérisée par le développement de la vie urbaine, un fonds commun d'équipement domestique, des procédés agricoles identiques et l'adoption d'un alphabet pour traduire une langue commune, ne sera pas sans conséquence sur l'avenir du Roussillon. La fusion des Ibères avec la population celte marquera une étape non négligeable dans notre héritage culturel. Nous serons rattaché par les romains à la Gaulle narbonnaise en 118 avant J.C..

Ce qu'il faut retenir de ces mouvements de peuples est que ce pays, en raison de sa situation sur l'une des plus grandes routes d'exode, eût à subir à diverses reprises les maux que répandent sur leur passage les grandes migrations humaines.





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